FIDA : un règlement européen entre ambition numérique et retour à la réalité.
L’Union européenne aime l’innovation réglementaire. Mais parfois, à vouloir aller trop vite, elle trébuche. Le projet de règlement FIDA (Financial Data Access), adopté en décembre 2024, avait pour objectif ambitieux de poser les bases de l’open finance à l’échelle européenne. Quelques mois plus tard, pourtant, le texte est sur la sellette : des négociations ont été relancées en avril 2025 pour en réduire la portée, alléger les obligations, et corriger les excès d’un texte jugé trop complexe, trop coûteux, et, surtout… sans étude d’impact sérieuse.
De l’Open Banking à l’Open Finance : une évolution logique
Le règlement FIDA s’inscrit dans la continuité des directives DSP1 et DSP2, qui ont permis l’émergence de l’open banking. Mais FIDA va plus loin : il vise à ouvrir l’accès aux données financières des consommateurs à une gamme bien plus large de prestataires. Il ne s’agit plus seulement de consulter un compte courant, mais aussi de partager des données sur les crédits, l’épargne, les investissements, les assurances non-vie, ou encore les retraites. Le tout, avec le consentement explicite du client.
L’objectif affiché par la Commission européenne est triple :
redonner le contrôle des données aux citoyens,
stimuler la concurrence et l’innovation,
créer un marché unique numérique compétitif.
Des obligations techniques et réglementaires colossales
Pour atteindre ces objectifs, FIDA impose aux établissements financiers de :
permettre aux consommateurs de gérer leurs consentements via un tableau de bord sécurisé,
fournir les données en temps réel et via des interfaces standardisées,
intégrer des schémas de partage de données (FDSS), gouvernés par des règles communes entre acteurs,
et, fait nouveau, percevoir une compensation financière raisonnable pour la mise à disposition de ces données.
Les utilisateurs de données, eux, doivent obtenir une autorisation d’activité spécifique, démontrer leur respect du RGPD, et justifier du consentement du client pour chaque usage.
Des réactions vives et une opposition inattendue
Très rapidement, les critiques ont fusé. Les associations d’assureurs, notamment, ont dénoncé un texte inapplicable en l’état. En novembre 2024, l’AMICE (Association des assureurs mutualistes européens) a demandé la suspension du processus, mettant en avant les risques de fragilisation de la protection des données et l’absence de garanties suffisantes pour les publics vulnérables.
De son côté, la MACIF a publié les résultats d’un sondage réalisé avec Kantar, révélant que près des deux tiers des Français refusaient catégoriquement de partager leurs données financières avec d’autres acteurs que leur assureur habituel. Une défiance forte, confirmée par les 85 % de répondants qui déclarent ne faire confiance qu’aux acteurs traditionnels.
La Commission chargée de simplifier… son propre texte
Face à cette levée de boucliers, le 1er avril 2025, lors du premier trilogue sous présidence polonaise, la Commission a été officiellement chargée de revoir sa copie. Elle doit produire, dans un délai de quatre semaines, un document officieux listant des propositions concrètes de simplification.
Les attentes sont claires :
recentrer FIDA sur des cas d’usage réalistes,
réduire les coûts de mise en œuvre,
introduire une mise en œuvre progressive par étapes,
et, surtout, effectuer une analyse d’impact rigoureuse après chaque phase.
Le BIPAR, représentant les intermédiaires d’assurance européens, a salué cette décision, estimant que les obligations initiales faisaient peser une pression injuste sur les PME du secteur.
Les IOBSP face à un tournant stratégique
Un aspect encore peu discuté, mais crucial pour notre profession, réside dans le rôle des agrégateurs de données financières. Avec FIDA, ces acteurs vont jouer un rôle central dans l’intermédiation de crédit. Concrètement, un client pourra utiliser une application d’agrégation pour transmettre directement à un IOBSP les données nécessaires à l’analyse de sa situation (revenus, charges, crédits, épargne…). Une véritable révolution dans la façon d’évaluer la faisabilité d’un projet ou de constituer un dossier.
Cela signifie que les intermédiaires doivent se préparer dès maintenant à :
utiliser ces outils technologiques,
intégrer ces flux dans leurs parcours clients,
et surtout faire entendre leur voix dans les négociations futures sur l’interopérabilité et l’accès à ces données.
Sans mobilisation collective, le risque est réel que la valeur ajoutée de l’intermédiation humaine soit captée par des plateformes automatisées en amont du parcours.
Conclusion : une vigilance plus que jamais nécessaire
FIDA n’est pas mort, mais il est désormais sur la table de dissection. Son ambition est légitime, mais son application, précipitée, a révélé de nombreuses failles. Pour les professionnels de la distribution de produits financiers, d’assurance et de crédit, il est indispensable de rester vigilants, actifs, et organisés. L’ouverture des données financières ne doit pas se faire au détriment de l’expertise, de la protection du client… ni de la survie des acteurs de proximité.
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